LA VIE EN PAYS ISAN AU NORD DE LA THAILANDE VU DE L INTERIEUR
16 Janvier 2014
Alors que l’affluence avait baissé mardi sur les sites de manifestation, au deuxième jour de leur opération de "paralysie" de Bangkok, les manifestants anti-gouvernementaux ont menacé de prendre des bâtiments officiels et aussi de "capturer" la Première ministre et d’autres membres du cabinet. Jusqu’ici la vie suit son cours dans la capitale, même si l’ultra centre-ville souffre du blocage des principales artères
Le leader des manifestants
thaïlandais qui ont lancé cette semaine une opération de "paralysie" de Bangkok, énième tentative pour chasser le gouvernement du pouvoir, a déclaré mardi qu’il "capturerait" la Première ministre
Yingluck Shinawatra si elle ne démissionnait pas.
Si Suthep Thaugsuban est connu pour ses sorties intempestives, le ton de ces déclarations reflète le parfum d’impunité entourant les leaders du mouvement, qui se
déplacent librement malgré des mandats d’arrêt lancés contre eux pour leur rôle dans une crise qui a fait huit morts depuis deux mois et demi.
"Nous irons capturer la Première ministre" et les membres du gouvernement "un par un" s’ils ne démissionnent pas dans les prochains jours, a
promis Suthep devant ses partisans.
L’ancien député est lui-même visé par un mandat d’arrêt pour insurrection et fait face à des poursuites pour meurtre pour son rôle dans la répression des
manifestations du printemps 2010, lorsqu’il était vice-Premier ministre. Mais la police n’a pas essayé de l’arrêter.
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Surenchère des manifestants face à la stratégie d’évitement des autorités
Les militants ont également menacé d'empêcher les fonctionnaires de travailler dans plusieurs ministères, comme ils l’avaient déjà fait plusieurs fois ces derniers
mois. Alors qu'ils continuaient de bloquer plusieurs carrefours clé du centre de Bangkok, plusieurs milliers d'entre eux se sont aussi rassemblés devant le siège des Douanes.
Ils ont également prévu d'assiéger les ministères du Travail et des Technologies de l'information.
Une frange radicale des manifestants a menacé de s’en prendre à la Bourse de Thaïlande et au siège du contrôle aérien si Yingluck ne quittait rapidement pas son
poste.
Les autorités avaient annoncé le déploiement de quelque 20.000 policiers et soldats, mais les forces de l’ordre étaient quasi invisibles autour des sites de
manifestations.
Les autorités ont assuré que le gouvernement continuerait à travailler. "Je veux assurer à nouveau que le gouvernement prend des mesures pour que
l'administration fonctionne", a déclaré mardi à la télévision Surapong Tovichakchaikul, vice-Premier ministre et responsable du centre de crise.
Même si certains craignent les conséquences pour les commerces du centre-ville et l’économie en général, Yingluck privilégie ainsi une nouvelle fois la stratégie
d’évitement entre police et manifestants qu’elle a en grande partie adoptée depuis le début du mouvement pour limiter les violences.
Démocratie ou autocratie ?
Au-delà de Yingluck, qu’ils accusent d’être une marionnette de son frère Thaksin Shinawatra, ancien Premier ministre renversé par un coup d’Etat en 2006, les
manifestants veulent se débarrasser de ce qu’ils appellent le "système Thaksin" associé selon eux à une corruption généralisée.
Thaksin reste le personnage à la fois le plus aimé et le plus détesté du royaume. Le mouvement actuel a d’ailleurs été déclenché par un projet de loi d’amnistie qui
aurait permis le retour du milliardaire, en exil pour échapper à une condamnation pour malversation financière.
"Ce n’est pas une démocratie, c’est une autocratie", a justifié un des leaders des manifestants Satish Sehgal, dénonçant le gouvernement "d’un seul
homme", Thaksin. "Il y a une corruption massive, galopante, dans ce pays, du népotisme. Notre objectif est de nous débarrasser de tout ça".
Le mouvement anti-Shinawatra cherche par tous les moyens à obtenir l’intervention des militaires ou de la Cour Constitutionnelle pour évincer ses adversaires du
pouvoir faute de pouvoir y parvenir par les urnes, et entend mettre en place un "conseil du peuple" non élu et engager des réformes dont le contenu reste flou.
Dans un quartier de Bangkok près du siège des Douanes encerclé, des habitants ont eux blâmé les manifestants, dénonçant l’impact du blocus sur leur vie quotidienne
et apportant leur soutien au gouvernement.
"Thaksin nous a aidés", a estimé Supin Nonpayom, femme de ménage dans une gare routière. "Il était déjà riche avant d’être au gouvernement", a
ajouté cette partisane des "chemises rouges" pro-Thaksin.
En 2010, jusqu’à 100.000 "rouges" avaient occupé le centre de Bangkok pendant deux mois pour réclamer la démission du gouvernement Démocrate, avant un assaut de
l’armée. La crise avait fait plus de 90 morts et 1.900 blessés.
Pour tenter de sortir de la crise, Yingluck a convoqué des législatives anticipées le 2 février. Son parti Puea Thai est donné une nouvelle fois gagnant et les
manifestants ont rejeté ces élections. Le principal parti d’opposition, le Parti Démocrate, les boycotte. Yingluck a proposé une rencontre mercredi à toutes les parties prenantes pour étudier un
report du scrutin. "Je pense que la réunion de demain (mercredi) peut être utile pour résoudre le problème", a-t-elle déclaré, appelant les Démocrates à y participer.
P.Q. Avec AFP (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) mercredi 15 janvier 2014