10 Avril 2010
Frappés par une sécheresse historique, les habitants des pays riverains du Mékong se retrouvent dans une situation de plus en plus difficile. Le poisson et
l'eau potable se font rares, et l'écosystème tout entier est en danger. Certains accusent la Chine d'être en partie responsable du problème, à cause des barrages hydroélectriques construits sur
le bassin supérieur du fleuve
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commission du fleuve Mékong sous fond de crise écologique
Plusieurs millions de personnes sont concernés par la sécheresse sans précédent qui frappe le Mékong, et s'inquiètent de ne plus pouvoir vivre de la pêche (Photo Pierre Queffélec)
AFP - Un pêcheur amène son bateau sur les bords sablonneux du Mékong au Laos, afin d'inspecter son maigre butin. "Nous ne pouvons même pas attraper assez pour
nous nourrir", déclare-t-il avec lassitude. L'an passé, à la même époque, cet homme de 38 ans arrivait à attraper plus de 10 kilos de poisson en une journée. Mais il s'estime heureux, en ce
moment, de n'en ramener que la moitié. Il blâme un niveau de l'eau exceptionnellement bas, qu'il n'a jamais vu depuis sa naissance.
"Nous voulons savoir pourquoi. C'est notre vie, attraper du poisson et le vendre au marché. C'est notre travail de nourrir nos familles", dit-il alors qu'il retourne à son village situé
à la périphérie de Vientiane. "Nous n'avons pas de mer au Laos, nous avons seulement le Mékong pour l'eau et la nourriture, c'est donc très important pour nous", déclare une autre
villageoise de 63 ans, alors qu'elle patauge dans l'eau jusqu'à la taille à la recherche de son diner. La situation a alarmé les millions de personnes qui dépendent de ce qui est la plus
importante source de poisson intérieure au monde, avec la prise d'environ 3,9 millions de tonnes par an, selon la Commission du fleuve Mékong (MRC). Dans le bassin supérieur du Mékong situé au
sud-ouest de la Chine, plus de 24 millions de personnes sont à court d'eau potable suite à l'une des pires sécheresses depuis un siècle. En amont, le nord de la Thaïlande souffre également d'un
faible niveau de l'eau record depuis 50 ans. "Je connais beaucoup de gens qui sont passés à l'agriculture car ils ne peuvent plus vivre des revenus générés par la pêche", explique Niwat
Roykaew, chef d'un groupe local de préservation dans la province de Chiang Rai.
Les barrages chinois jugés responsables
Les causes de la diminution de l'espace navigable sont encore sujettes à un débat houleux, avec des activistes pointant du doigt les barrages hydroélectriques chinois qui, selon eux, acheminent
l'eau loin du bassin supérieur du Mékong. Selon Pianporn Deetes, de l'organisation militante International Rivers, non seulement le niveau de l'eau chute, mais il "fluctue anormalement",
et les perturbations de l'écosystème ont commencé après que la Chine a construit son premier barrage il y a un peu plus de dix ans. "La population locale a connu la perte de ses poissons et
la destruction des ressources aquatiques", a récemment déclaré cette environnementaliste lors d'un forum à Bangkok. Avec une douzaine de projets de barrages en aval ainsi qu'en Chine, elle
précise que les locaux "s'inquiètent des menaces qui pèsent sur l'écosystème, les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire". Mais les autorités chinoises insistent sur le fait
qu'aucune preuve n'étaye ces accusations, et qu'un tel manque d'eau provient de la sécheresse qui sévit sur toute la région.
Un problème aux répercussions multiples
Quelles qu'en soit les raisons, le problème concerne plus de 60 millions de personnes qui
vivent le long du Mékong et qui mangent chacun entre 30 et 40 kilogrammes de poisson chaque année, selon un rapport du MRC publié samedi. Les gens du sud-Laos, par exemple, ont compté durant des
générations sur la diversité de la vie aquatique avec des régimes riches en protéines et ont des styles de vie "étroitement imbriqués avec le rythme saisonnier du fleuve", explique le
rapport. De plus, le niveau anormalement bas de l'eau est en train de perturber les zones de pêche, suscitant des craintes sur des espèces déjà en danger comme le poisson-chat géant du Mékong qui
peut peser jusqu'à 350 kilos, a déclaré le porte-parole du MRC, Amian Kean.
(http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html avec AFP) mardi 6 avril 2010